Cinéma : La nuit et l’enfant de David Yon
Coup de Soleil en Rhône-Alpes s’est associé à la présentation de ce film au Cinéma La Fourmi de Lyon le 21 septembre. David Yon est marseillais, enseigne à l’Université de Grenoble-Alpes et a réalisé avant ce film un moyen métrage, Les oiseaux d’Arabie. Les deux films ont reçu plusieurs distinctions dans des festivals.
La nuit et l’enfant dure 60 minutes, et se déroule presque intégralement la nuit. Un homme et un enfant fuient des hommes armés de fusils. Leur errance nous font découvrir des lieux émergeant des ténèbres, des lieux mystérieux dont les images restent fixées dans la rétine longtemps après la vision du film. Une cabane, des chemins dans des paysages steppiques péri urbains, une mare que le dialogue nous décrit comme empoisonnée, un champ de coquelicots dont la couleur arrive à franchir l’obscurité, une sorte de casemate dont les murs sont recouverts d’écritures, le plus souvent des serments d’amour. Les échanges parlés en arabe nous “éclairent” à peine sur ce que vivent les personnages.
Ils fuient, ils ont peur, une relation les lie, le petits aidant souvent l’adulte. Toute cette étrangeté est envoûtante, et amène chacun à se “faire son film”, comme à la lecture de certains poètes. À la fin, brièvement, la lumière est de retour, l’homme s’exprime face à la caméra, un peu comme dans les mises en scène d’otages demandant leur libération, mais le discours n’est pas tragique.
Les échanges qui ont suivi la représentation ont permis le partage des impressions des spectateurs, impression disant bien comme nous avons été impressionné par ce film dont les images nocturnes prennent place dans notre mémoire. Il s’agit d’un long travail collectif, David Yon séjournant depuis des années à Djelfa, et s’y étant lié d’amitié avec une fratrie et leurs amis, tous jeunes, avec qui le film a été écrit, les lieux choisis, le casting effectué. Le cinéaste algérien Zoheir Mefti a collaboré au film, y apportant notamment des éléments poétiques dans le scénario. Au final ils ont coécrit un film exprimant les souvenirs et les ressentis d’une génération sur la décennie noire, qui a frappé Djelfa, comme bien d’autres régions d’Algérie.
Les jeunes spectateurs algériens qui ont vu le film ne s’y sont pas trompés: il y a un ressenti générationnel différent sur cette période; les jeunes adultes dépassent la commémoration factuelle et douloureuse de ces années terrible au profit d’une distance poétique, un peu onirique. Ce film, qui ne correspond en rien aux codes du cinéma que voient ces jeunes gens, ne les déconcerte pas: ils y retrouvent semble t il un écho de leur ressenti….
Le processus de création de cette œuvre est aussi particulier: David Yon ne parle pas l’arabe, et découvrait a posteriori ce qui était dit dans ce qu’il filmait. Les participants, tous amateurs mais très investis dans cette création ont eux même découvert in fine le film auquel ils avaient participé.
Un voyage dans la nuit qui débouche sur un matin serein…
Michel WILSON